ENSTA Bretagne

Réflexion éthique : une étudiante primée

Formations
Vie Étudiante
Sciences Humaines et Sociales
Noémie réalise sa première année d'école d'ingénieurs à l'ENSTA Bretagne. Elle vient de recevoir, samedi 25 mai, au Palais des Congrès de Montrouge, un prix pour son essai intitulé "Les problèmes éthiques posés par l’extraction des matières premières fossiles : l’exemple des ressources sous-marines minières".

Le concours national de promotion de l'éthique professionnelle est co-organisé par les districts français du Rotary et la Conférence des Grandes Écoles. Chaque année, il invite les étudiants (de bac+3 à bac+8) à s'interroger sur l'éthique en milieu professionnel. 

ENSTA Bretagne : Noémie reçoit un prix lors du concours national de la promotion de l'éthique professionnel

Noémie, pourquoi avoir retenu cette thématique de l'extraction de ressources sous-marines minières ?

C'est un thème qui me tient à cœur, au niveau personnel ainsi que dans le cadre de mes études. Je me dirige vers la spécialité hydrographie en deuxième année, et la problématique de l'exploitation des ressources marines minières est très présente dans ce domaine actuellement.

En effet, ces minerais sont utilisés dans beaucoup de nouvelles technologies et seront la clef de voute de la transition écologique. Il est impératif d'amener la réflexion éthique dans le débat sur les ressources marines minières, car cela n'a pas été fait pour l'exploitation des précédentes ressources (telles que le pétroles ou le gaz de schiste). Nous en connaissons aujourd'hui les conséquences, et une telle erreur ne peut être reproduite pour ces minerais.

Quels problèmes éthiques soulèvent votre essai ?

Mon essai soulève plusieurs problèmes éthiques : tout d'abord, le fait qu'on ne peut plus se permettre de détruire ce que nous ne connaissons pas. Les minerais intéressants se trouvent dans les abysses océaniques, entre 3000 mètres et 6000 mètres de profondeur. Jusque récemment, les chercheurs pensaient qu'aucune vie n'était possible dans ces zones. Or, il est prouvé aujourd'hui que des espèces rares y survivent, que nous ne connaissons pas et qui pourraient pourtant nous apprendre énormément de choses. Il faut savoir que l'océan est très mal cartographié, et que nous connaissons bien mieux la planète Mars que les zones océaniques profondes.

Nous ignorons actuellement l'impact qu'aurait une extraction des ressources sous-marines minières au niveau mondial sur les océans, il est donc impératif de mieux les connaître avant de commencer à détruire ces précieux écosystèmes. De plus, j'aborde le concept de "contrat entre les générations", qui est actuellement rompu si on prend l'exemple du pétrole. Une génération s'est appropriée des ressources formées sur plusieurs millions d'années : je souligne ainsi la nécessité d'un débat éthique dans le cas de minerais océaniques afin que les générations futures puissent vivre dans un certain confort énergétique.

Finalement, je termine mon essai en expliquant qu'avant d'aller chercher les métaux à plusieurs kilomètres de profondeur, il faudrait commencer par les chercher autour de nous : ils sont présents dans nos téléphones, dans nos ordinateurs… Le recyclage s'affiche finalement comme une solution qui répond aux exigences économiques, sociales et éthiques, et devrait être plus systématique.

Avant de travailler sur ce sujet, quel regard portiez-vous sur ce secteur ? A-t-il évolué depuis ?

J'avais déjà lu quelques ouvrages sur le sujet avant de commencer mon essai, notamment "Les ressources minérales marines profondes", de Yves Fouquet. Je savais donc à quoi m'attendre avant de me lancer dans ce projet.

La partie de mon essai qui m'a le plus passionnée fut le recyclage : cela montre que les ingénieurs de demain peuvent vraiment améliorer la situation climatique en utilisant ce qu'il y a autour d'eux. Finalement, cette course aux minerais océaniques lancée depuis quelques années par différents états n'est qu'une prolongation du système dans lequel nous vivons, celui de l'hyperconsommation et du gaspillage des énergies fossiles. Je pense en tout cas que réfléchir à ces problématiques a donné du sens à ma formation scientifique.

La réflexion et les recherches que vous avez menées auront-elles un impact sur votre choix de métier d'ingénieur ?

Oui, absolument. Ces réflexions éthiques m'ont permis de réaliser quelque chose d'essentiel sur ma formation : l'ingénieur n'est pas seulement le créateur d'innovations consommatrices de ressources fossiles. Il peut également mettre son savoir au service du changement et de l'amélioration de la situation climatique et du développement durable, afin que les générations futures ne deviennent pas les témoins d'une planète vidée par la consommation à outrance. Si je devais résumer ce que l'écriture ce cet essai m'a apporté, je dirais qu'il m'a redonné foi dans la place de l'ingénieur dans la société.

Pour finir, quelles sont les raisons qui vous ont poussé à participer à ce concours ?

Pour moi, la réflexion éthique a toute sa place dans une formation scientifique. Il est ainsi essentiel de s'interroger sur le sens que l'on donne au progrès. J'ai vu en ce concours une occasion de m'exprimer sur un sujet primordial pour moi, et de souligner les inquiétudes actuelles des élèves ingénieurs : nos idéaux de sauvegarde des ressources terrestres se heurtent bien souvent aux attentes du marché du travail, et beaucoup de mes camarades de promotion, tout comme moi, souhaitent que cela évolue.