ENSTA Bretagne : recherche sur les rideaux de bulles pour atténuer le bruit sous-marin

Des rideaux de bulles pour atténuer les bruits sous-marins

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Au sein du laboratoire IRDL / Campus ENSTA Bretagne, des travaux sont réalisés sur les rideaux de bulles dans le but de protéger l'environnement sous-marin des effets du souffle d'une explosion sous-marine.

Qu’elle soit accidentelle ou provoquée (lors d'opérations de déminage ou de travaux maritimes), une explosion sous-marine engendre, a minima, des nuisances sonores qui menacent la faune marine. Une explosion de 20 kg de TNT génère 250 dB dans l’eau à 1 m. Une réglementation s’installe petit à petit, l’Europe commence à voir des seuils réglementaires imposés dans les cahiers des charges des grands chantiers maritimes et fluviaux.

Ce dispositif de rideaux de bulles intéresse la sécurité et la sûreté maritimes, le génie côtier et la préservation de l’environnement marin.

Près de 20 années de recherche sur les rideaux de bulles

Afin de répondre à ce défi environnemental, des chercheurs de l'Institut de Recherche Dupuy de Lôme/ ENSTA Bretagne  se sont intéressés à l’utilisation des rideaux de bulles pour atténuer les nuisances acoustiques introduites par l’homme dans l’eau (travaux, explosion, …). En effet, la caractérisation et l’atténuation des effets des explosions (ondes de choc et fragments balistiques) demeure un des thèmes de recherche dans lequel l’ENSTA Bretagne concentre ses efforts au sein de l’Institut de Recherche Dupuy de Lôme. 

Une brève étude de la littérature scientifique montre que le concept de rideau de bulles fut évoqué dans une publication scientifique datant de 1910 par un certain Mallock (Neveu de Froude), puis repris de manière empirique par de nombreux expérimentateurs.

Il y a environ 10 ans, par le biais des liens entre l'ENSTA Bretagne et les industries maritimes en hydrographie, énergies marines renouvelables et la défense, des enseignants-chercheurs ont identifié des applications à la fois militaires et civiles, qui ont conduit la Direction Générale de l’Armement à financer une thèse pour modéliser cette technologie. 

De 2009 à 2012, un doctorant a proposé un modèle physique de l’interaction entre une onde de choc et une population de bulles connue (diamètre, densité, étendue). Ce modèle a été mis en place et validé pour le cas des explosions sous-marines. Il a été intégré dans un outil de calcul et permet de réaliser des études prédictives.

Celui-ci a ensuite été transposé au cas du battage de pieux, technique utilisée dans l’installation de champs d’éoliennes en mer. Ces travaux furent financés par le consortium Ailes Marines entre 2013 et 2015. Ensuite l’ENSTA Bretagne, avec le soutien de la Région Bretagne, a accueilli un jeune chercheur étranger travaillant sur le sujet (caractérisation du bullage). 

Ces avancées ont permis d’élaborer une méthode pour obtenir les paramètres physiques du rideau de bulles en eau calme, qui sont des données d’entrée pour le modèle de calcul d’atténuation.

Un rideau de bulles ne se dimensionne pas par hasard

Pour dimensionner un rideau de bulle, il faut bien caractériser la source à atténuer, puis dimensionner le rideau en termes de largeur, densité et rayon de bulles, évasement, …. 

Cela induit l’identification des différents phénomènes physiques qui mènent à l’atténuation. Ces paramètres ainsi acquis forment les données d’entrée  pour le modèle physique de l’interaction choc - bulles qui permet d’effectuer des calculs prédictifs nécessaires au bon déroulement des opérations d’atténuation des nuisances propres à un chantier donné. Il est donc important de bien maîtriser ces données.

Au sein du laboratoire IRDL, les chercheurs ont avancé dans l’identification des phénomènes physiques menant à l’atténuation :

  • Lorsqu’une onde mécanique rencontre un changement de milieu, il y a toujours une partie de l’onde qui « rebondit » et repart d’où elle vient. Cela enlève de l’énergie transmise au-delà du rideau.
  • Lorsqu’une bulle de gaz est impactée par une onde de choc, elle se comprime et emmagasine de l’énergie comme un ressort, qu’elle restitue en des temps plus longs, cassant ainsi l’effet de choc.
  • Lorsqu’une bulle de gaz se comprime, sa température s’élève mais elle se trouve dans cette immense masse à température constante qu’est la mer. La mer va donc « confisquer » les quelques degrés d’échauffement dans la bulle comprimée. Cela enlève également de l’énergie au choc.
  • Lorsque la bulle est comprimée, elle oscille comme un ressort en grossissant et rapetissant plusieurs fois. Ces mouvements sont freinés par l’eau qui lui colle à la paroi. Ce freinage gaspille de l’énergie prise au choc.
  • Lors des oscillations, souvent la bulle implose en une multitude de petites bulles, ce phénomène est également très dépensier en énergie.

Il reste encore beaucoup à faire : 

  • fiabiliser la caractérisation en mer et en eau agitée, 
  • caractériser d’autres sources de bruits, 
  • évaluer d’autres générateurs de bulles ou de systèmes atténuateurs, 
  • approfondir les connaissances sur l’impact des nuisances sur le vivant.

contact

Michel Arrigoni
Enseignant-chercheur en détonique
Equipe "Structures, fluides et interactions", laboratoire IRDL (UMR CNRS 6027)
+33(0)2 98 34 89 78