ENSTA Bretagne : travaux de recherche en sociologie sur ma thèse en 180 secondes

Vulgarisation scientifique et mise en spectacle des sciences

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Sciences Humaines et Sociales
Jean Frances, enseignant-chercheur en sciences humaines et sociales à l'ENSTA Bretagne est l'un des auteurs du livre "Ma thèse en 180 secondes. Quand la science devient spectacle". Ses travaux de recherche en sociologie l'ont emmené à questionner cet exercice de communication répandu en France qui invite les doctorants à présenter sur scène, en 3 minutes, leur sujet de recherche.
ENSTA Bretagne : livre ma thèse en 180 secondes

Inspiré d'un exercice créé en 2008 par l'Université du Queensland en Australie, le concours ma thèse en 180 secondes (MT180) a vu le jour en 2012 au Québec. Quelques années plus tard, la CPU et le CNRS reprennent le concept en France : en 3 minutes, un·e doctorant·e présente à un public non averti son sujet de recherche.

Pourquoi avoir choisi de travailler sur ce sujet ?

Au lancement du projet, de premières critiques sont apparues. L'enjeu de ma thèse en 180 secondes était de donner des clés aux doctorants et doctorantes afin qu'ils et elles s'exercent à la vulgarisation, c'est à dire réussir à rendre leurs travaux de recherche compréhensibles par tous. Mais le fait d'associer cet exercice à un concours a tout de suite laisser entrevoir le risque de spéctacularisation. En tant que sociologues, nous y avons vu, avec mes confrères Stéphane Le Lay et Jean-Marc Corsi un terrain d'études pouvant renseigner sur les transformations à l’œuvre dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche et plus particulièrement du doctorat. 

Quelle est la perception du côté des doctorant·es ?

La très large majorité d'entre eux sont satisfaits du dispositif. Ils y acquièrent de nouvelles compétences, de prise de paroles en public par exemple et cela leur permet de rompre avec leur quotidien. Mais, peu admettent l'important travail que nécessite la préparation de ce concours et surtout, ils sont nombreux à regretter, à posteriori, les "instrumentalisations" dont ils peuvent faire l'objet, notamment de la part des administrations de leur établissement. Les effets sont ambivalents.

Quel est, selon vous, la dérive de ce dispositif ?

MT180 est conçu, comme un spectacle, avec un scène, des jeux de lumière, de la musique... mais surtout comme un concours qui induit l'objectif d'être le ou la meilleur·e. 
Nos enquêtes de terrain et observations ont démontré un décalage entre la manière dont les participants au concours définissaient leurs travaux de thèse, et la manière dont ils les présentaient sur scène lors du concours.

Sur scène, ils utilisent tous les codes des grands stands-uppeurs : présentation dynamique et drôle, rythmée... Mais, les questionnements et éléments de preuve sont oubliés. La démarche scientifique est écartée, des résultats sont annoncés.